Les nouvelles ne sont pas très bonnes mais


JOURNAL DE BOGOTA XXI – RUES D’ICI (14 SEPTEMBRE)

Posted in Uncategorized par tackelsbruno sur septembre 17, 2010
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Le 14 septembre 2010

Transmilenio. La densité des flux. L’espace public aux mains des intérêts privés et de la corruption généralisée, depuis des décennies. De jour comme de nuit la ville est traversée par le flot continu du « transmilenio ». Au milieu des artères de la ville, deux bandes de béton sont dévolues à des bus couleurs rouge sombre, qui défoncent la ville à un rythme effréné. Toutes les deux minutes, un bus s’arrête sur les quais et actionne les portes automatiques qui déversent des centaines de voyageurs. Une noria sans fin qui ne dépend d’aucune heure de pointe. Une sorte de noria qui n’appelle plus aucun Dieu.

Le ballet des recycleurs de Bogota. Dès la nuit tombée, ils commencent à circuler dans les rues de la ville. Ils savent quels sont les jours de poubelles. Et ils se répartissent les rues, en un ballet incroyablement maîtrisé. Ils arpent les avenues, percent, les sacs (sans trop les éventrer), prélèvent ce dont ils ont besoin. C’est fait avec un doigté incroyable. Ils glissent dans la nuit, se servent d’elle, et … ont même reçu un prix de l’UNESCO… Les recycleurs de Bogota. Ultime avatar des chiffonniers peint par Baudelaire, et que Benjamin avait tant aimé. Une noria, qui ne s’arrête jamais.

Des voix qui viennent de très loin, des chants qui montent des profondeurs de la terre.

« Maria », la Vestale de Colombie. Son visage, ses gestes, sa voix — toute la profondeur du pays qui surgit en un seul jaillissement…

« Un abrazo ». L’incroyable présence des corps ici. Leurs étreintes, leur vigueur à vous envisager. Les gens s’embrassent très fort, lorsqu’ils se retrouvent, quand ils se quittent, quand ils veulent se dire des choses. Ils s’embrassent. Et ils le font vraiment. Ils se touchent, se couvrent, mutuellement, pas de baiser, vraiment, mais une véritable embrassade. L’embrasement, et pas fortuit, jamais formel. Une façon de se dire l’essentiel, sachant que c’est peut-être la dernière fois… Parce qu’ici l’essentiel se joue chaque jour.

Le jongleur de quilles sur la soixante-troizième rue. Sa présence arrête toutes les voitures. Il est en scène. Et joue l’essentiel. Tout le monde lui donne une pièce. Et plutôt deux. Son sourire est divin. Je lui donne une pièce de 500 pesos. Mon chauffeur de taxi aussi, la voiture qui nous suit également, et celle d’à côté idem. Une évidence. La visite de l’ange.

La rue, pourvoyeuse de tout, vraiment de tout. On peut même acheter des minutes de conversations téléphoniques, à toute heure du jour et de la nuit. Sans parler des téléphones mobiles devenus fixes, attachés à une chaine…
La rue pourvoyeuse de tout, mais aussi de tous les dangers. Qui surgissent de chaque coin. S’y préparer. Chacun le fait ici.

Il y a même des quartiers électrifiés. Entièrement sous protection électrique, et protégés par des miradors. A l’intérieur, on paie pour se faire croire qu’on vit normalement. Mais à quel prix ? Antanas Mockus le disait clairement hier, lors d’une magnifique conférence sur « l’Habiter en Amérique latine » : tant que la violence aura son siège dans nos rues, nous ne pourrons pas habiter. » Constat lucide, qui en dit long sur le chemin à parcourir.

Le mythe de Medellin.
Oui, un immense : Pablo Escobar, l’un des plus grands truands du siècle dernier,
invincible et aimé du peuple,
il a su aider les plus pauvre,
mettre son pouvoir au service des chiffonniers de sa ville puante,
il savait regarder le monde,
et savait que le monde le tuerait,
mais lequel ?
Il avait toutes les polices du monde à ses trousses… et c’est finalement un autre cartel, celui de Cali, qui aura sa « peau »
C’est de cette trahison que naissent les paramilitaires, milices d’extrême droite très liées aux différent gouvernements, appelées à la rescousse pour remettre de l’ordre dans le désordre de l’ordre…
Actuellement la violence a repris dans les quartiers, après des années de calme (relatif), suite à la mort d’un grand narco-traficant qui tenait tout ce petit monde en place,
sa mort a réveillé les rivalités et les velléités de pouvoir…
Un mythe, oui, donc.